pour celleux qui partent avant de s’écrouler
Il y a des jours où rester coûte trop cher.
Où être là n’est plus un geste de soin, mais un sacrifice.
Ton souffle se raccourcit.
Ta mâchoire se serre.
Ton écran t’agresse.
Et ta voix, quand tu la trouves, semble flotter dans le vide.
On t’a appris à justifier ton absence.
À la rendre raisonnable, rationnelle, acceptable.
À transformer ta fatigue en pédagogie.
Mais parfois, partir est déjà tout ce qu’il y a à dire.
Ce texte, c’est un mode d’emploi pour disparaître en douceur.
Pour partir sans scène.
Sans effondrement.
Sans devoir exposer ton corps en preuve de ta douleur.
1. Reconnaître le tremblement
Pas l’effondrement. Pas le trop tard.
Le tremblement discret, à peine perceptible.
Celui qui chuchote “ça suffit” avant que ton corps ne crie.
C’est ce soupir trop long quand on t’appelle.
C’est la tension qui monte quand on te demande encore un peu plus.
C’est cette impression que ton propre visage t’échappe sur Zoom.
Tu n’as pas besoin d’attendre l’épuisement total.
Tu peux dire non dès le premier frisson.
Le monde ne te le dira pas,
mais tu as le droit de partir
avant de tomber.
2. Partir sans performance
Si tu restes trop longtemps, on exigera que tu t’expliques.
Que tu montres les marques.
Que tu racontes le traumatisme, encore et encore.
Que tu fasses de ton absence une leçon utile pour les autres.
Refuse ça.
Tu n’es pas un module de formation.
Tu n’es pas une archive de ta souffrance.
Tu n’as pas à jouer ton départ pour le rendre légitime.
Parfois, le soin commence au moment où tu choisis de ne rien dire.
Et c’est assez.
3. Honorer les petits départs
Tout départ n’a pas besoin d’être radical.
Il y a aussi les petits gestes discrets qui sauvent.
Quitter un appel vidéo.
Ne pas répondre à ce message.
Refuser une invitation.
Mettre son téléphone en mode avion.
Tu n’as pas besoin de brûler les ponts.
Juste d’éteindre la lumière quand elle t’éblouit trop.
Apprends à t’absenter par amour pour toi.
4. Ne pas tout expliquer
Le non n’a pas besoin de contexte.
Il peut être sec. Flou. Incomplet.
Il peut arriver sans préavis.
Refuse la pression de tout dire, tout expliquer, tout rendre lisible.
Le système adore les récits bien ficelés—surtout quand ils viennent de celleux qu’il épuise.
Mais tu ne dois rien à leur compréhension.
Tu n’es pas là pour te rendre plus digeste.
Ton silence est un langage.
Et ton retrait est déjà un acte de soin.
5. Confier ton non à quelqu’un
Refuser ne veut pas dire s’isoler.
Tu n’as pas à porter ton départ seul·e.
Trouve quelqu’un qui sait écouter sans exiger.
Quelqu’un qui ne t’oblige pas à faire le tri entre la colère et la tristesse.
Quelqu’un à qui tu peux dire, simplement :
« Je n’peux pas. »
Et que ce soit suffisant.
Ton refus est plus facile à porter quand quelqu’un t’aide à le tenir.
6. Laisser des traces, si tu veux
Tu as le droit de disparaître.
Et tu as aussi le droit de laisser un fil, un indice, une lumière allumée.
Un message.
Une story.
Une photo floue.
Une playlist.
Un mot à peine glissé dans une conversation.
Tu n’as pas à t’effacer complètement.
Mais tu peux choisir qui saura où te retrouver.
Partir, ce n’est pas fuir
On dira que tu évites.
Que tu n’es pas fiable.
Que tu es “trop sensible.”
Mais tu sais.
Tu sais que ton corps a ses limites.
Que ton silence est sacré.
Que ton espace n’est pas à vendre.
Tu n’es pas en train de fuir.
Tu es en train de te retrouver.
Tu te retires du spectacle, pas du monde.
Et tu peux le faire
sans offrir ton corps comme preuve.
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