À la suite des saluts nazis sans équivoque d’Elon Musk lors de l’investiture de Donald Trump le 20 janvier 2025, une grande partie de la couverture médiatique s’est, sans surprise, tournée vers l’obfuscation, les justifications et — plus troublant encore — une forme de bouc-émissarisation capacitiste. Plutôt que de nommer le geste pour ce qu’il est — un alignement clair avec le symbolisme fasciste — les discours dominants ont tout fait pour en atténuer la portée. Certain·es sont même allé·es jusqu’à blâmer l’autisme ou le diagnostic d’Asperger de Musk, une forme de sanisme (également appelé psychophobie) qui détourne l’attention du fascisme pour la rediriger vers la neurodivergence. C’est un glissement dangereux, malhonnête et capacitiste — et en tant que professionnel de la santé mentale, je tiens à le dire clairement : arrêtez de blâmer l’autisme pour la suprématie blanche.
Le sanisme au service du fascisme
Le sanisme — la discrimination systémique envers les personnes perçues comme « mentalement inaptes » — a toujours été un outil d’oppression, utilisé pour délégitimer, discréditer et faire taire. Dans ce cas-ci, il est instrumentalisé pour exonérer Musk de toute responsabilité. Des médias et commentateur·ices ont repris l’idée que la supposée neurodivergence de Musk pourrait expliquer son comportement, comme si l’autisme ou le syndrome d’Asperger prédisposait quelqu’un à faire des gestes fascistes.
Non seulement cette affirmation est absurde et scientifiquement infondée, elle est aussi profondément nocive. Elle renforce le stigma selon lequel les personnes neurodivergentes seraient socialement inadaptées, dangereuses ou incapables de comprendre les conséquences de leurs gestes. Elle efface l’agentivité des personnes neurodivergentes tout en déresponsabilisant des figures de pouvoir qui participent activement à des systèmes oppressifs.
Soyons clair·es : l’autisme n’est pas un prélude au fascisme. Le fascisme s’apprend. C’est un choix délibéré. C’est un positionnement assumé, souvent par des personnes puissantes qui savent très bien ce qu’elles font. Confondre la neurodivergence avec la haine, c’est perpétuer le sanisme à grande échelle, et détourner l’attention du véritable enjeu : la normalisation de l’idéologie fasciste dans notre société.
Le rôle des médias dans la banalisation de la haine
La manière dont les médias ont traité le geste de Musk s’inscrit dans un schéma plus large : une réticence persistante à nommer le fascisme quand il se présente sous les habits du prestige, de la richesse ou du charisme techno. Au lieu d’interroger la portée réelle des gestes de Musk, plusieurs ont préféré débattre de ses intentions, les contextualiser comme des malentendus, ou — pire encore — en attribuer la faute à sa neurodivergence.
Ce n’est pas simplement de la lâcheté. C’est de la complicité. En détournant l’attention de la nature explicitement fasciste du geste, les médias permettent qu’il soit réinterprété comme un moment anodin, ironique ou accidentel. Ce type de réécriture crée un terreau fertile pour que le fascisme s’installe, lentement mais sûrement, à l’abri du doute raisonnable. Et en impliquant l’autisme dans ce récit, on ne fait qu’aggraver les choses, en marginalisant davantage les communautés neurodivergentes.
Pourquoi c’est important : des symboles aux systèmes
En tant que professionnel de la santé mentale, je travaille avec des personnes qui vivent les effets directs du sanisme, de l’ableisme, du racisme et de l’oppression systémique. Plusieurs sont neurodivergentes. Plusieurs sont noires. Toutes vivent dans un monde qui leur demande constamment de justifier leur existence pendant que des figures comme Musk bénéficient d’une impunité totale. Ce moment est un condensé de la façon dont la haine se déploie — pas toujours à travers de grandes déclarations, mais aussi à travers des gestes subtils et insidieux, que les puissants minimisent tandis que les personnes marginalisées en subissent les conséquences.
Les symboles comptent. Ils ont un poids. Quand une personne aussi visible que Musk fait un salut nazi — que ce soit « pour rire » ou non — elle envoie un signal clair d’alignement avec la suprématie blanche. Le fait que ce geste soit minimisé ou nié n’est pas une erreur. C’est un symptôme de la banalisation progressive du fascisme dans la culture dominante. Et en blâmant l’autisme, on ajoute une couche de violence, en détournant le regard de la haine systémique pour la diriger vers un groupe déjà marginalisé.
Un appel à agir
On ne peut pas laisser passer ça. On ne peut pas permettre à Musk ni à ses défenseur·euses de se cacher derrière l’ambiguïté, le sanisme ou l’ironie. Il faut nommer les choses comme elles sont : un acte fasciste délibéré, rendu encore plus dangereux par le refus médiatique d’en reconnaître les implications.
Si on laisse le sanisme et l’ableisme dicter la manière dont cette histoire est racontée, on trahit non seulement les communautés neurodivergentes, mais toutes les personnes ciblées par les systèmes de haine que ce geste vient renforcer. En tant que personne qui consacre son travail à la santé mentale et à la lutte contre l’oppression, je sais à quel point ces récits font mal. Et je refuse de les laisser circuler sans riposte.
Aux médias : cessez de blâmer l’autisme pour le fascisme.
Au public : exigez que Musk rende des comptes.
À nous toutes et tous : résistons à la banalisation de la haine, peu importe sa forme.
Ce n’est pas un malentendu. C’est une alarme. Et il est hors de question de rester endormi·es.
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