
On n’était jamais censé·e survivre seul·e
Un cadre noir et queer pour un soin abolitionniste
Ce cadre fait partie de ma pratique, de ma politique, et de ce que j’offre à la survie noire et queer.
Avant de le citer, le partager ou l’adapter, merci de lire la déclaration d’utilisation en accord avec les valeurs.
💜 Bienvenue
Tu portes ce poids depuis longtemps : cette sensation matinale qui s’accroche à la poitrine, même quand tout paraît calme; cette fatigue que même le sommeil ne soulage pas; cette pression de devoir tout tenir debout dans un monde qui refuse de te voir en entier. Peut-être que tu as essayé ce qu’on disait qui aiderait : les routines bien-être, les listes de développement personnel, les séances de thérapie qui t’ont demandé de comprimer ton histoire en quelques points. Mais rien n’a touché la racine du malaise. Rien n’a fait de place à ton deuil. Rien n’a honoré ta rage. Rien n’a vu tout ce que tu as déjà traversé pour être encore là.
Ce guide n’est pas là pour te réparer. Il est là pour rejeter l’idée que tu étais brisé·e. Il est construit à partir de ce que nous avons toujours su : la chaleur des histoires partagées autour d’une table, la sécurité silencieuse de la famille choisie, la façon dont le soin circule à travers un regard, un geste, un doux « je suis là. » Ici, tu n’as pas à expliquer pourquoi tu es fatigué·e. Tu n’as pas besoin de sourire pour être vu·e. Tu n’as pas à te rapetisser pour appartenir. Tu n’as pas besoin d’être entier·ère pour commencer.
Ce texte ne se veut pas neutre. Il s’inscrit dans une perspective noire, queer et abolitionniste. Il a été écrit par quelqu’un façonné à la fois par la trahison institutionnelle et par la beauté farouche de la survie communautaire. La voix que tu rencontreras ici est tendre mais lucide, poétique mais précise. Ce n’est pas du développement personnel. C’est un cadre pour le soin collectif, né du refus, forgé dans le feu de l’expérience vécue, ancré dans la conviction profonde que la guérison n’est pas une marchandise.
Il ne s’agit pas d’un rétablissement linéaire, mais de bâtir des pratiques qui honorent ta complexité, tes contradictions, ta survie. Il n’y a pas de réponses rapides ici. Mais il y a des rituels, des rappels, et de l’espace pour ressentir : la rage, le deuil, la joie, et toutes les nuances entre les deux.
Considère ce cadre comme une constellation. Tu n’as pas à suivre un chemin précis. Commence là où c’est possible. Avance à ton rythme. Prends ce dont tu as besoin, laisse ce que tu ne peux pas encore porter. Reviens quand ça t’appelle. Griffonne tes propres vérités dans les marges. Tu mérites une vie assez vaste pour contenir tout ce que tu es, pas seulement les parties qui mettent les autres à l’aise. Et tu n’as rien à prouver pour mériter cette vie. Tu en portes déjà la preuve.
✨ Ce que c’est (et ce que ce n’est pas)
Ce document n’est pas un manuel de bien-être managérial ni un baume apaisant destiné à lisser tes aspérités. C’est un manifeste de rébellion : un appel à comprendre le soin comme un acte insurgé, sacré et profondément politique. Il a été écrit depuis un lieu bien précis : l’expérience noire, queer et diasporique, le travail social abolitionniste, et le refus de s’assimiler à des systèmes conçus pour nous faire disparaître. C’est le terreau dont il est né. Et ce contexte compte.
Ancré dans la pensée afropessimiste, l’entraide abolitionniste, les stratégies de survie queer et les traditions de souveraineté autochtones, ce guide propose une constellation de pratiques pour vivre, guérir et résister dans un monde qui n’a jamais été conçu pour nous.
Tu y trouveras des rituels de deuil qui transforment la peine en solidarité, des approches face au tort qui privilégient la réparation sans punition, et des exercices incarnés qui permettent à ton corps de dire ce que les mots ne peuvent porter. Tu y trouveras aussi des outils pour relier la douleur personnelle à la violence systémique, ainsi que des invitations à créer des archives vivantes de résistance à travers l’argile, la peinture, le rythme et le mouvement. Tu seras également invité·e à co-créer de nouveaux rituels, enracinés dans la mémoire ancestrale et la possibilité d’un avenir collectif.
Ce n’est pas une liste de solutions toutes faites. Ce n’est pas un recueil de formules rassurantes. C’est une déclaration : ta vie, dans toutes ses contradictions et sa beauté, ne peut être réduite à une donnée mesurable. C’est un document vivant, fait pour être annoté, réécrit, remis en question, et habité. Il t’invite à refuser l’effacement, à résister à l’abandon de soi, et à t’engager dans le travail exigeant et lumineux de l’épanouissement collectif.
Il est tout aussi important de dire ce que ce document n’est pas : ce n’est pas un « programme bien-être » conçu pour augmenter ta productivité. Ce n’est pas un manuel clinique qui pathologise la dissidence. Ce n’est pas un guide universel vers le bonheur. Ce n’est pas une invitation à revenir à la normalité ni à rétrécir tes besoins pour entrer dans les cases étroites de la stabilité imposée.
Si tu cherches des slogans simples ou des affirmations toutes faites, tu ne les trouveras pas ici. Mais si tu ouvres ton cœur à ce qui palpite sous le vacarme, tu découvriras peut-être que la guérison n’est pas toujours paisible. C’est un feu. C’est une clameur. C’est une émeute. C’est une symphonie. C’est le travail sacré de la construction collective d’un autre monde.
🧭 Comment utiliser ce guide
Ce guide n’est pas un cahier d’exercices ni un plan en étapes. C’est une constellation, à rejoindre depuis là où tu te trouves. Commence par la section qui t’appelle. Ignore ce qui ne résonne pas. Reviens-y au besoin. Certaines pages sont des rituels. D’autres, des stratégies. Toutes ont été écrites avec soin, pour t’accompagner dans ton retour à toi-même et à ton monde.
🧑🏾🤝🧑🏽 À qui s’adresse ce cadre
Ce cadre s’adresse à celleux à qui l’on a appris que prendre soin de soi était un luxe, que la vulnérabilité était dangereuse, et que leur douleur devait se porter seul·e. Il est pour la chercheure noire qui a dû expliquer les microagressions en réunion de titularisation devant des visages fermés, puis est rentrée pleurer en silence, invisible. Pour l’artiste trans qui a fait de son corps une archive vivante de résistance, pour se retrouver face à des thérapeutes incapables de reconnaître la famille choisie comme réelle. Pour l’aîné·e immigrant·e qui a perdu sa langue dans les couloirs fluorescents d’un hôpital, dont les blessures intergénérationnelles n’ont jamais trouvé place dans un dossier médical. Pour les tantes et les oncles qui ont nourri des communautés entières avec presque rien, qui étaient toujours les premiers qu’on appelait, mais jamais un lieu sûr pour atterrir. Pour l’étudiant·e militant·e dont les poumons brûlent encore du gaz lacrymogène, dont la voix s’est fendue à force de scander des revendications que le pouvoir n’a jamais voulu entendre.
Ce cadre est aussi pour celleux qui imaginent plus que la simple survie. Pour celleux qui rêvent de remplacer les budgets policiers par l’entraide, de créer des réseaux menés par les pair·es à la place de l’enfermement institutionnel, de reconnaître les cercles de guérison comme une véritable infrastructure collective. Il est pour toute personne qui a déjà murmuré, même intérieurement, cette question : et si le repos n’était pas quelque chose à mériter, mais quelque chose qui nous revient de droit ?
Si cette question vit en toi, tu n’es pas seul·e.
Tu es déjà en chemin.
🧶 Guérison relationnelle
Le mythe du soi isolé ne tient pas face à la vérité de nos histoires. Il s’effondre sous le poids du génocide, de l’esclavage, du colonialisme, de l’effondrement écologique et des violences constantes de la transphobie, de la queerphobie, du capitalisme racial et du carcéral. Ce que ces forces cherchent à effacer, nos liens les un·es aux autres, devient justement le socle même de notre survie. La guérison relationnelle commence par cette reconnaissance : nous ne sommes jamais simplement des individus gérant notre douleur seul·es. Nous sommes toujours en relation. Même quand c’est difficile. Même quand on nous a appris le contraire. Chaque moment de confiance, chaque acte de présence attentive tisse un fil dans la tapisserie plus vaste de la communauté. On se répare mutuellement non par des solutions, mais par la proximité, en restant quand le monde nous pousse à disparaître.
Imagine : toi et une personne en qui tu as confiance, assis·es près d’une fenêtre à minuit. La ville bourdonne doucement à l’extérieur. Tu dis une phrase sur ta journée, une phrase qui tremble de fatigue, peut-être même de peur. Tu n’as pas les mots pour tout dire, mais tu offres ce que tu peux. L’autre ne cherche pas à réparer. Iel ne se retire pas. Iel reste. Iel écoute. Son souffle ralentit pour rencontrer le tien. Sa présence ne te demande rien. Et dans ce silence, quelque chose change. Tu n’es plus seul·e. Non pas comme un problème à résoudre, mais comme une personne digne d’être portée. Voilà la graine de la guérison relationnelle. Pas une performance. Pas la perfection. Juste la présence.
La guérison relationnelle nous invite à construire des pratiques qui rendent cette présence durable. Elle nous demande de nous porter les un·es les autres, non seulement dans les crises, mais à travers les rythmes ordinaires de la vie. Une façon de commencer, ce sont les cercles de soutien dyadiques, des espaces simples et intentionnels pour le soin mutuel. Tu t’assois avec une personne de confiance. Peut-être que vous allumez une chandelle. Peut-être pas. Vous respirez. Puis l’un·e parle pendant deux minutes, sans interruption. Pas de solution. Pas de commentaire. Juste ton récit. L’autre reflète ce qu’iel a ressenti, pas le contenu, pas une analyse, seulement le pouls de ce qu’iel a entendu. Puis vous échangez les rôles. Puis vous respirez. C’est tout. Et pourtant, tout change. Avec le temps, ces cercles deviennent une forme de confiance incarnée, un langage partagé du soin qui ne repose pas sur l’expertise, seulement sur la présence.
Mais la guérison relationnelle ne se limite jamais à l’intime. Elle déborde. Elle s’infiltre dans les cuisines, les groupes de discussion, les cliniques, les cours d’immeubles, les frigos communautaires. On tisse des constellations d’affinité, des réseaux de soin basés sur l’intention et la réciprocité. Quand quelqu’un flanche, la toile s’active. Des lifts sont offerts. Des repas sont préparés. Un message arrive : « Je suis là. » Ce ne sont pas de simples gestes de bonté. Ce sont des refus organisés de laisser qui que ce soit s’effondrer sous le poids de la survie. Ce sont des continuités de soin. La preuve vivante qu’on n’a jamais à tout porter seul·e.
C’est comme ça qu’on dure. Pas en étant invulnérables, mais en partageant la charge. La guérison relationnelle nous dit une vérité que le monde cache trop souvent : tu n’étais jamais censé·e faire ça seul·e. Et tu n’as plus à le faire.
🎨 Pratique créative et incarnée
Quand les mots s’effilochent, c’est le corps qui prend la parole. Laisse-le faire. Toute connaissance ne naît pas dans l’esprit. Certaines vivent dans la tension entre tes omoplates. D’autres vibrent dans ton souffle, sans que tu t’en rendes compte. La sagesse ne vient pas seulement par la théorie ou les discours. Elle arrive par le mouvement. Par la création. Par le souffle. Nos corps sont des archives vivantes. Ils portent ce que les manuels ne peuvent contenir : le deuil transmis, les gestes ancestraux, les savoirs discrets de la survie légués quand les mots étaient trop dangereux ou déjà perdus. Faire confiance à cette connaissance créative et incarnée, c’est croire que tes doigts, ta gorge, la plante de tes pieds savent quelque chose de vrai.
Une manière de la rencontrer : la cartographie du deuil. Prends une feuille plus grande que ton corps. Commence à tracer le paysage émotionnel que tu habites. Utilise les couleurs comme un langage : rouge pour la rage, bleu pour la tristesse, jaune pour la joie inattendue. Dessine des rivières là où tes émotions circulent. Marque les montagnes où la douleur a pris racine. Place des étoiles sur les lieux où tu retournes pour te réchauffer. Puis choisis un médium : peinture, argile, danse, son, et entre dans une région. Façonne les sommets de ton chagrin avec tes mains. Laisse tes pieds tracer le manque sur le sol. Laisse ta voix créer un paysage sonore de survie. Il ne s’agit pas d’art. Il s’agit de trouver un langage quand les mots échouent.
Autre pratique : la prière incarnée. Pas la prière institutionnelle, mais une prière comme geste, comme répétition, comme attention sacrée. Tu peux t’agenouiller, osciller, trembler. Laisse ton corps écrire sa propre liturgie. Une main sur la poitrine peut signifier la mémoire. Un cercle lent du bassin peut dire le deuil. L’immobilité peut être une forme de résistance. Partagés en communauté, ces gestes deviennent des feux rituels, des rassemblements où la vérité se transmet non par les mots, mais par le souffle partagé et le rythme commun. Le soin circule non par les conseils, mais par la présence.
Mais cette forme de savoir ne vit pas que dans les moments sacrés. Elle est déjà là, dans le quotidien. Dans ta manière de brasser une soupe comme le faisait ta grand-mère. Dans le geste de replier un chandail comme on lisse un chagrin. Dans le rythme de tresser les cheveux de quelqu’un. Dans une chanson discrète en balayant le sol. Ces gestes contiennent la mémoire. Ils contiennent la résistance. Ils contiennent le soin. Et si tu prêtes attention, ils commencent à scintiller. Ils te rappellent que le savoir ne cogne pas toujours à la porte, parfois il attend.
Vivre ainsi, c’est honorer le corps non comme fardeau, mais comme enseignant. Comme prophète. Comme gardien des traces. Quand tu laisses ton corps guider, quand tu fais confiance à l’imaginaire pour créer du sens au-delà du dicible, tu reprends une forme de savoir qui n’a jamais disparu, seulement été enfouie. Ce n’est pas de l’indulgence. C’est de la survie. C’est de la mémoire. C’est un refus de laisser le monde décider ce qui compte comme connaissance. C’est ainsi qu’on commence à bâtir des futurs, non à partir de la domination, mais à partir du rythme, du rituel et de l’infini pouvoir du soin créatif.
🌱 Joie et plaisir comme résistance
Insister sur la joie dans un monde qui tire profit de ton épuisement est un acte de résistance. Quand les systèmes autour de toi exigent la productivité plutôt que la présence, la souffrance plutôt que la douceur, l’endurance plutôt que l’exubérance, la joie devient plus qu’une émotion passagère. Elle devient une stratégie. Une politique. Un rythme de rébellion.
Cette joie n’a pas toujours besoin d’être bruyante. Parfois, elle est discrète : un rayon de soleil sur ta joue à travers la fenêtre, l’odeur de la sauge et de l’herbe sucrée de ton territoire, une seule phrase dans une conversation de groupe qui fait retomber la pression dans tout ton corps. D’autres fois, elle explose : en danse, en rire, en peau contre peau. C’est le son d’une pièce remplie de survivant·es, riant non parce qu’iels ont oublié la douleur, mais parce qu’iels sont encore là.
Pratiquer la joie ne signifie pas nier le deuil ou la colère. Cela veut dire refuser qu’ils soient les seuls récits. C’est un acte d’équilibre : permettre à l’enchantement de prendre racine, même dans les ruines. C’est affirmer que tu es encore un corps capable de sentir, encore digne de douceur, encore autorisé à chercher le plaisir sans excuses. Quand on se rassemble, dans des sous-sols, des cours, des balls kiki ou sur les trottoirs, pour manger, rire, se soutenir, on fait plus que survivre. On invoque un autre monde. Un monde où la joie n’est pas un luxe, mais une leçon. Où le plaisir devient une forme de savoir, de mémoire, de geste vers le possible.
Intègre la joie à ton quotidien comme un rituel. Une danse pendant que tu cuisines. Un étirement qui devient bercement. Un moment seul·e avec ton souffle et une plante en fleurs. Ce ne sont pas des choses anodines. Ce sont des structures d’appui. Elles entraînent ton système nerveux à se rappeler que se sentir bien n’est pas une trahison. C’est un équilibre. La joie n’est pas une fuite. C’est un retour chez soi. Avec le temps, ces moments deviennent une mémoire musculaire. Une résilience qui ne s’appuie pas sur le stoïcisme, mais sur la sensation.
Ressentir pleinement n’est pas une distraction du travail : c’est le travail. Et quand on partage ces sensations, quand on rit dans la défiance, quand on tisse le plaisir dans notre rythme collectif, on commence à bouger autrement. On résiste non seulement par notre analyse, mais par notre vitalité. Ce n’est pas juste survivre. C’est une révolution.
🔥 Pratique abolitionniste
Si la guérison relationnelle est la terre, la pratique abolitionniste en est la graine. Elle pose cette question : comment construire des formes de soin à grande échelle ? Notre soin, pas seulement dans des moments, mais dans des systèmes. L’abolition ne consiste pas seulement à démanteler : c’est un engagement envers le travail lent et collectif de bâtir quelque chose de plus honnête, plus vivant, plus enraciné dans le soin. Elle commence par un refus : celui de croire que le tort doit être rencontré par la surveillance, l’enfermement ou l’exil. Elle pose d’autres questions. Et si le tort ouvrait la porte à une responsabilité collective plutôt qu’à une punition ? Et si la sécurité ne reposait pas sur le contrôle, mais sur une relation profonde ? La pratique abolitionniste nous invite à désapprendre la punition comme réflexe, et à nous demander plutôt : quelles structures peuvent contenir la douleur sans la reproduire ? Quels types de justice pourraient émerger si l’on renonçait à la vengeance ?
Ce changement ne commence pas dans les politiques publiques ni dans les slogans de manif. Il commence tout près. Avec nos ami·es, nos familles choisies, nos classes, nos boîtes courriel. La prochaine fois qu’un conflit surgit, une rupture de confiance, un moment de tort, et si tu faisais pause ? Et si tu choisissais de ne pas réagir par le blâme, le silence ou l’exil ? Et si tu déclarais une « pause réparatrice », une respiration partagée avant de parler honnêtement de ce qui s’est passé ? Vous pourriez vous asseoir en cercle, dans les DM, par terre dans la cuisine. Chacun·e partageant ce qui a blessé, ce dont iel a besoin, ce qui rendrait une réparation tangible. Pas comme performance. Pas pour avoir l’air vertueux·se. Mais pour préserver la possibilité d’un avenir commun.
L’abolition ne s’arrête pas au niveau interpersonnel. Elle s’incarne aussi dans les structures. Elle vit dans le travail des fonds communautaires de libération, qui sortent les gens de prison non pas parce qu’iels sont « innocent·es », mais parce que les cages sont toujours violentes. Elle vit dans les collectifs étudiants qui prennent soin les un·es des autres en santé mentale, là où l’université n’offre que des listes d’attente. Elle vit dans les programmes d’accueil post-incarcération, qui offrent un toit, de la nourriture, et une reconnexion culturelle à celleux qui ont été arraché·es à leurs communautés. Ce sont des infrastructures abolitionnistes, non pas naïves, mais lucides. Fondées sur cette vérité : la sécurité ne vient pas de la punition. Elle naît de la présence, de l’interdépendance, de la dignité partagée.
Au cœur de cette pratique, l’abolition n’est pas utopique. C’est un travail d’imagination sous pression. Elle te demande de concevoir du soin là où on t’a appris à attendre de la force. De faire confiance là où l’État t’a dit de te méfier. De rejeter le mensonge selon lequel la punition nous protège. L’abolition affirme qu’on peut inventer d’autres façons de répondre au tort : où la première personne appelée lors d’une crise est formée à accueillir la douleur sans l’aggraver ; où les quartiers sont tissés par la confiance mutuelle, pas par la surveillance ; où la justice signifie que personne n’est abandonné, peu importe ce qu’iel a fait ou traversé.
L’abolition est lente. Elle est imparfaite. Elle est sacrée. Et elle a besoin de nous tous·tes. Chaque fois que tu choisis la réparation plutôt que l’exil, la présence plutôt que l’évitement, la communauté plutôt que la conformité, tu la pratiques déjà. Tu construis déjà le monde que la logique carcérale disait impossible.
🎯 Clarté politique
Ton corps sait souvent bien avant que ton esprit ne comprenne. Il se crispe quand le pouvoir entre sans y être invité. Il se contracte sous le poids de choix impossibles. Il se souvient de ce que les institutions ont été conçues pour te faire oublier.
La clarté politique, ce n’est pas juste une affaire de théorie ou de débat. C’est l’acte d’écouter les alertes du corps et de les suivre jusqu’aux systèmes qui les ont produites. Cette boule dans la gorge quand le loyer augmente ? Ce n’est pas que de l’anxiété. C’est l’écho de l’injustice en logement, de l’extraction, du déplacement générationnel. Quand ta voix tremble dans une salle de réunion qui tolère à peine ta présence, ce n’est pas un manque de confiance. C’est l’héritage de l’exclusion. C’est le mépris du capitalisme pour la tendresse. C’est la blancheur qui garde les portes du pouvoir.
Pour cultiver cette clarté, commence par un journal structurel. Chaque fois que tu ressens une détresse — l’épuisement, la peur, la confusion — note-le. Pas comme une preuve d’échec, mais comme une information. Puis pose-toi la question : quels systèmes sont à l’œuvre ici ? Quelles structures façonnent ce moment en silence ? Peut-être que ton épuisement cohabite avec le vol salarial et le capacitisme. Peut-être que ton inconfort chez le médecin s’entrelace avec le racisme médical, les diagnostics coloniaux, la transphobie. Trace une ligne entre la sensation et la structure. Commence à voir tes symptômes non pas comme des défauts personnels, mais comme le refus de ton corps de normaliser la violence. Ce que tu croyais être une chute est peut-être une forme de résistance mal nommée. Ton corps essaie de dire la vérité depuis le début.
Cette pratique s’approfondit en communauté. Essaie les témoignages chronologiques. Rassemble-toi avec d’autres et retrace ta vie, non seulement à travers des souvenirs personnels, mais à travers des histoires partagées. Place ta première manif à côté d’une période d’expansion policière dans ta ville. Note quand tu as perdu ta stabilité en logement et relie ce moment à la vague de gentrification. Inscris l’instant où tu as cessé de parler ta langue maternelle en parallèle avec les lois ou les pressions d’assimilation qui ont rendu cette langue dangereuse. Ces chronologies révèlent un contexte commun. Elles montrent comment le deuil privé est façonné par les politiques publiques, comment nos luttes internes reflètent souvent la violence externe. Elles nous permettent de retracer la douleur non pas jusqu’à nous-mêmes, mais jusqu’aux forces qui l’ont façonnée.
La clarté politique devient une boussole. Elle dit : cette douleur n’est pas la tienne seule. Ce chagrin a une généalogie. Cette fatigue n’est pas un échec moral. C’est le poids des systèmes qui fonctionnent comme prévu. Mais la clarté ne fait pas que nommer ce qui est brisé. Elle nous aide à imaginer des réponses. Elle nous oriente vers l’entraide. Vers les réparations. Vers le refus structurel. La clarté ne rend pas les choses plus faciles, mais elle nous rend plus précis·es. Et dans cette précision, nos outils deviennent plus tranchants. On nomme le tort. On rejette le gaslight. Et on se rassemble pour dire : on n’a jamais imaginé tout ça. Maintenant, on s’organise.
🤲🏽 Humilité culturelle et spirituelle
Partout dans la diaspora, des peuples ont porté des chants à travers le feu, des prières à travers les océans, des rituels à travers le silence. Ce ne sont pas des artefacts. Ce sont des témoignages vivants, vibrants, de l’endurance. L’humilité culturelle et spirituelle nous invite à aborder ces pratiques non pas en touristes ou en quête de nouveautés, mais comme des futur·es parent·es spirituel·les. C’est un refus de traiter les traditions d’autrui comme du contenu pour sa propre croissance. C’est une discipline : écouter avant de parler, demander avant d’agir, arriver avec des offrandes plutôt qu’avec des attentes.
Commence par tes propres racines. Demande-toi : qu’est-ce que ton peuple chantait dans la douleur ? Qu’est-ce qu’on cuisinait quand quelqu’un tombait malade ? Quels récits les aîné·es murmuraient-ils au crépuscule, porteurs non seulement de sens, mais de survie ? Choisis un fragment qui vit dans ta lignée, aussi ténu soit-il. Prends-en soin. Apprends son rythme. Laisse-le te guider dans la manière dont tu te présentes ailleurs.
Puis, quand tu te sens ému·e par un rituel qui ne t’appartient pas, qu’il s’agisse d’un cercle de guérison, d’une cérémonie de tambours ou d’une prière dans une autre langue, fais une pause. Ne demande pas : comment puis-je intégrer ça ? Demande plutôt : qu’est-ce que je peux offrir ?
Commence une pratique d’échange de lignées. Pas un troc. Pas une fusion. Juste un partage. Juste une présence. Dis ce qui vit dans ta propre ligne, et invite les autres à faire de même. Pas pour une performance. Pour la relation.
En communauté, cette pratique devient une cérémonie entremêlée. Pas une fusion. Pas un effacement. Mais une co-présence. Imagine une poésie palestinienne qui résonne aux côtés d’un tambour caribéen. Imagine une cérémonie de l’eau menée par des personnes bispirituelles, aux côtés d’un autel diasporique en construction. Chaque tradition reste distincte. Chaque voix porte son propre rythme. Ensemble, elles composent une chorégraphie—non pas pour l’esthétique, mais comme cartographie de solidarité. Une déclaration que nos survies sont liées.
L’humilité culturelle et spirituelle ne relève pas seulement de la révérence. Elle exige une responsabilité. Celle de prendre soin du sacré sans le saccager. D’honorer la différence sans exiger l’accès. De laisser la guérison circuler entre les lignées, à travers les frontières, dans la tension comme dans la confiance. Et ce faisant, on ne participe pas seulement à la réparation—on commence à façonner des cérémonies assez puissantes pour porter l’avenir.
🌿 Le soin comme infrastructure
Avant de penser le soin à grande échelle, rappelons-nous les formes les plus infimes qu’il prend déjà autour de nous. Le soin refuse d’être figé. Il prend mille formes—il se transforme pour épouser les contours du besoin, il s’insinue dans les creux que le monde a oubliés de tenir. Parfois, c’est un·e ami·e qui arrive avec une tisane au gingembre quand ton corps cède. Parfois, c’est de l’infrastructure : un réseau d’entraide qui organise des transports pour les aîné·es, un frigo communautaire rempli par des voisin·es qui donnent ce qu’iels peuvent. Parfois, c’est une douceur subversive : un canal chiffré qui relie des inconnu·es à des pair·es en cas de crise, ou un collectif de guérison qui offre des plantes médicinales et des soins corporels dans une pièce tapissée de courtepointes, de chandelles et de mémoire. Le soin habite aussi les recoins silencieux—une affiche dans les toilettes qui explique comment demander de l’aide, une playlist nommée pour quand c’est trop, transmise de main en main comme un remède.
Ce n’est jamais juste de la gentillesse. C’est de l’architecture. C’est un refus. C’est l’acte délibéré d’imaginer un monde où moins de gens tombent dans les failles.
Commence là où tu es. Observe le soin qui circule déjà autour de toi : la personne qui tient la porte quand tes bras sont pleins, le groupe de discussion qui répond au deuil avec des mèmes, le voisin qui prend de tes nouvelles sans raison apparente. Ces gestes font des vagues. Note-les. Étudie leur fréquence, leur intensité, leur douceur. Demande-toi : qu’est-ce qui leur donne cette sensation de soin ? Qu’est-ce qui les rend durables ? Puis demande encore : comment puis-je les reproduire sans en faire une performance ? Comment donner sans attendre de remerciement ? Comment recevoir sans m’excuser ?
Le soin n’est pas un service. C’est une chorégraphie d’interdépendance. Il nous invite à devenir les élèves des besoins des autres. À rester présent·es même quand on ne peut pas réparer. À bâtir des systèmes qui se souviennent de ce que ça fait d’être laissé·e tomber. Et si on le fait bien, le soin cesse d’être l’exception. Il devient le rythme de nos vies. Une pulsation. Une promesse partagée : je veille sur toi. Veillons les un·es sur les autres.
💭 Si tu te sens perdu·e, commence ici
Quand la route s’efface, quand les plans se défont, quand ta poitrine se serre sans mots, quand tout ce que tu croyais stable te semble hors de portée, arrête-toi. Ne cours pas après la clarté. Cherche le contact. Pose les pieds au sol. Ressens leur poids. Inspire lentement, comme si tu te souvenais de quelque chose d’ancien et de tendre. Laisse ton corps te rappeler ceci : tu es encore là, même dans le brouillard.
Puis demande-toi doucement : quel est le plus petit geste de soin que je peux m’offrir maintenant ? Pas le meilleur. Pas le plus transformateur. Juste le plus petit. Un verre d’eau. Un étirement lent. Une respiration, la main sur le cœur. Une chanson qui t’apaise. Un message à quelqu’un qui connaît ton nom, au-delà du vacarme. Peut-être que c’est simplement de mettre cette page en signet. Peut-être que c’est fermer les yeux pendant deux minutes et te rappeler que tu es fait·e de souffle, pas d’exigences. Peu importe ce que c’est, fais-lui confiance. Laisse ce geste devenir un appui, le premier échelon d’une échelle que tu n’as pas à grimper tout d’un coup.
Il n’existe pas de chemin unique à travers la désorientation. Il n’y a que le rythme : pause, attention, réponse. Quand l’horizon disparaît, le rituel devient boussole. Répète les gestes qui te relient au monde. Touche les objets qui portent ta mémoire. Allume une chandelle. Nomme une chose que tu aimes. Ce ne sont pas des solutions. Ce sont des invitations, à rester, à t’adoucir, à recommencer exactement là où tu es.
Si tu te sens perdu·e, ce n’est pas un échec. C’est une errance. Et même les cartes ont besoin de marges, des espaces pour les détours, l’oubli, la réorientation. Que ceci soit l’un de ces espaces.
🪞 Invites à la réflexion
Dans le calme entre les vagues, reviens à des questions qui ne cherchent pas de réponses immédiates, mais qui ouvrent des chemins. Laisse-les s’asseoir à côté de toi comme des compagnes de confiance : elles observent, murmurent, déroulent.
Quel a été le premier moment où tu as ressenti le pardon plutôt que la honte ?
Suis ce souvenir avec douceur. Qui te l’a offert ? Qui est resté assez longtemps pour te voir au-delà de tes erreurs ? Quels gestes t’ont permis de te sentir entier·e à nouveau ? Réfléchis à comment offrir cette même présence aujourd’hui, pas comme une mise en scène, mais comme une pratique.
Pense à un geste politique que tu as posé sans le savoir.
Peut-être que c’était porter ce qui te fait te sentir beau·belle dans un espace qui punit la joie. Peut-être que c’était choisir de te reposer alors que tout te pressait de continuer. Qu’as-tu protégé dans ce refus ? Quelle vérité as-tu affirmée ?
Imagine une cérémonie à venir : une que tu dirigeras pour honorer la survie.
Pas seulement la tienne, mais celle de tes proches, de ta lignée, de ton peuple. Quels symboles rassembleras-tu ? Quelles paroles seront prononcées à haute voix, et lesquelles vivront dans le souffle entre elles ? Y aura-t-il du chant, du silence, du mouvement ? Laisse venir la vision. Laisse-la t’apprendre le genre de monde que tu es en train de bâtir.
Plonge dans ta lignée.
Nomme une résistance transmise : une personne, un rituel, une histoire, un son. Laisse son rythme te guider. Que pourrais-tu faire aujourd’hui — en cuisinant, en écrivant, en prenant soin, en refusant — pour honorer cet héritage ?
Ce ne sont pas des tâches. Ce sont des seuils. Non pas des destinations, mais des passages. Chacun est une invitation à approfondir ton intimité avec la survie, à nourrir les racines qui t’ont façonné·e, et à écrire le prochain chapitre du soin collectif avec intention, respect et feu.
📚 Continuer ensemble
Ce cadre n’est pas une fin. C’est un seuil : une ouverture vers une constellation plus vaste de pratiques insoumises, ancrées dans une vérité simple : le soin n’est pas un luxe. C’est un acte collectif de défi.
Si tu portes quelque chose de brut ou d’inachevé, commence par une séance individuelle : un espace pour te présenter dans toute ton intégrité, sans avoir à performer, sans avoir à justifier. Peut-être que tu es plutôt attiré·e par un cercle de pair·e·s : un espace enraciné dans le rituel, où les histoires résonnent et où la solidarité devient tangible. Tu es peut-être prêt·e à t’engager avec des réseaux d’entraide, qui remplacent l’extraction par la réciprocité, en bâtissant des infrastructures où les besoins sont accueillis sans honte ni contrôle. Et si ta faim est plus intellectuelle, spirituelle ou spéculative, entre dans un cercle de lecture : des lieux où la pensée afropessimiste rencontre la praxis abolitionniste, où l’imaginaire queer ne reste pas en marge mais guide la route.
Peu importe ce que tu choisis, souviens-toi de ceci : tu n’étais jamais censé·e faire tout cela seul·e. Ta survie n’est pas un exploit solitaire. C’est un fil dans une tapisserie plus vaste de résistance. Chaque geste de connexion, chaque acte de présence, est une étincelle dans le feu que nous entretenons ensemble.
Si ce guide a résonné pour toi, pense à le partager, à en parler avec quelqu’un, ou à créer ton propre rituel à partir de ses pages. Ce document est fait pour vivre dans l’usage.
C’est ainsi qu’on continue. Avec force. Avec vie. Ensemble.
🌀 Revenir
Tu es arrivé·e au bord de ce guide, mais pas au bout de ton devenir. Reviens quand tu en ressens le besoin. Relis. Réécris. Ritualise. Ce document vit parce que toi, tu vis — parce que la survie, lorsqu’elle est partagée, devient plus grande qu’elle-même. Elle devient pratique. Elle devient promesse. Tu portes déjà la preuve en toi.
✍🏾 Note d’auteur
Ce cadre n’a pas été écrit à distance de la tempête. Il a été écrit en plein dedans — dans les secousses de la trahison, dans la résistance tranquille qu’exige la survie, dans le désir profond de mondes qui n’existent pas encore. Il naît de ma vie en tant que personne noire, queer et trans, ayant traversé les violences de la rupture familiale, des blessures cliniques et de l’effacement institutionnel — et ayant aussi été porté, soigné, rendu possible par le travail sacré, quotidien et collectif de ma communauté. Je n’écris pas d’en haut ni d’ailleurs, j’écris à vos côtés.
Il est important pour moi que ce texte ne soit pas utilisé comme un simple contenu ou programme, détaché de son contexte. Les mots que vous lisez sont enracinés dans des relations : des relations à la terre, aux lignées, à la parenté noire queer et trans qui m’a soutenu à travers des chagrins indicibles et des joies bouleversantes. Ils sont nourris par une praxis abolitionniste, une pensée afropessimiste, des traditions féministes noires, et les savoirs incarnés de la scène ballroom. Ils sont façonnés par des années vécues à la fois comme travailleur social et comme survivant, à refuser des systèmes qui n’ont jamais été conçus pour nous, et à choisir, encore et encore, de bâtir autre chose, plus libre, dans les marges.
Ce cadre n’est pas une proposition neutre. Il porte des engagements. Il insiste sur un soin qui ne peut être dissocié de la justice, sur une guérison qui n’efface pas la colère, sur un amour qui ne se sépare jamais du refus. Il est écrit dans la cadence de mes communautés, et il n’a jamais eu vocation à être universel. Si tu trouves ici une résonance, je t’invite à la porter avec intégrité : cite-le, nomme sa provenance, et ne t’approprie pas ce qui ne t’appartient pas. Si tu intègres ces idées dans ton propre travail, fais-le avec responsabilité — pas comme une métaphore, ni comme une marque, mais comme une praxis.
Ce document se contredira parfois. Ce n’est pas une erreur. C’est la vérité. Vivre, guérir, prendre soin : rien de tout ça n’est linéaire. On change. On oublie et on se souvient. On se trompe. Et malgré tout — on reste dedans. Ce texte est vivant. Il est là pour grandir avec toi, t’interpeller, se désassembler et se reconstruire. Tu n’as pas besoin d’être d’accord avec chaque mot. Tu es invité à y apporter le tien.
Que ce soit un début, pas une fin. Qu’il accompagne tes propres traditions, sans les dominer. Et qu’il soit reçu dans le même esprit que celui dans lequel il a été écrit : pas pour être extrait, mais pour survivre. Pas pour la perfection, mais pour l’émergence de possibles. Si cela te parle, emporte-le avec toi. Laisse-le se transformer, être remis en question — mais laisse-le vivre.
Avec soin,
Vincent Mousseau
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Le soin n’est pas neutre. Ce travail non plus. Qu’il circule avec intention.